par Agnès SOUCHAL
Un atelier Parlons Chat dédié à la gestion des chats errants

Depuis 2023, les ateliers Parlons chat, jusque-là réservés aux particuliers, proposent des webinaires à la carte aux refuges et associations inscrits sur la plateforme Solidarité Peuple Animal en abordant des thématiques qui les concernent : hébergement des chats en famille d’accueil, biberonnage des chatons, cadre réglementaire des prises en charge… Etc.
Brunilde Ract-Madoux et Sandrine Feuillet, dont les compétences et les expériences se complètent, animent ensemble ces ateliers d’une durée de 2h au cours desquels sont abordés les aspects théoriques et pratiques assortis d'outils pour faciliter le travail des associations. L'idée étant de partager les savoirs bruts autant que les bonnes pratiques pour soutenir les associations de protection animale et être utile dans leur quotidien difficile.
A l'approche des élections municipales, un atelier s’est tenu le 4 novembre 2025 sur la gestion des chats errants et des relations avec les acteurs des communes.
SoliPa : Vous êtes à la fois conseillère municipale, comportementaliste félin, pet-sitter, et vous avez fondé et présidé une association sans refuge pendant plusieurs années. Quels sont vos conseils pour inciter les élus d'une commune à mettre en œuvre une méthode humaine de gestion des populations de chats errants ?
Sandrine Feuillet : Avec l'arrivée des élections municipales, tous les élus qui se représentent ainsi que les primo-candidats sont en quête de voix pour se faire élire. C'est le moment d'aller les rencontrer pour leur parler de la cause animale, leur faire part de l'importance croissante du bien-être animal pour les populations de leurs territoires, de leur faire des propositions d'actions à intégrer dans leurs programmes de candidats aux élections municipales.
En 2024, plus d’un Français sur 2 (66%) est propriétaire d’au moins un animal de compagnie. Parallèlement, de plus en plus de citoyens s’intéressent et s’impliquent dans la protection des animaux et la défense de leurs droits. Un sondage IFOP atteste ainsi que 69% des Français souhaite que le bien-être animal soit au programme de tout candidat à une élection au même titre que le pouvoir d’achat, l’écologie ou encore la sécurité publique. Le sujet de la condition animale revêt à présent une importance sans précédent dans notre pays et dans les communes.
Beaucoup d'élus l'ignorent, mais les animaux errants et les campagnes de stérilisation dépendent du pouvoir de police du maire. C'est pourquoi j'invite les acteurs de la protection animale à aller parler dès à présent à leurs femmes et hommes politiques locaux, à leur expliquer quel est le mode de reproduction des chats, les nuisances que leur prolifération peut causer entre eux et sur leur commune et leur responsabilité d'élus ou de futurs élus à organiser notamment la stérilisation des chats errants de leur ville. Les candidats étant d'ores et déjà en campagne, ils sont plus que jamais visibles et accessibles dans leurs communes : sur les événements municipaux (culturels, marchés locaux, marchés à thèmes comme celui de Noël, inaugurations, commémorations, aux abords des écoles, dans les réunions publiques, etc.).
Concrètement comment s’y prendre ?
S.F. : Nous avons proposé dans cet atelier en direction des associations de protection animale une boîte à outils assez complète pour solliciter ces élus et leur proposer des actions à mener (modèle de courrier à l'élu, modèle d'avenant existant pour empêcher les euthanasies de saturation dans les fourrières animales, les arguments pour convaincre, une méthodologie de suivi pour faire avancer les dossiers avec les élus, des exemples concrets d'actions que peut financer et mettre en œuvre une municipalité, etc.). Un des objectifs majeurs de ces ateliers est de faciliter au maximum la vie des associations de protection animale avec des outils concrets et opérationnels.
Les campagnes de stérilisation, d'identification et de suivi des chats errants peuvent s'avérer coûteuses surtout lorsque la colonie est importante, quelles sont les ressources que peuvent mobiliser les associations pour les financer lorsque la commune n'apporte aucun fonds ou très peu ?
S.F. : Malheureusement beaucoup de communes tournent le dos à leurs responsabilités envers les animaux par manque d'intérêt, de connaissances (des animaux et de leurs devoirs d'élus), de budget ou encore parce qu'ils estiment le sujet moins important que d'autres. Pour autant, il existe de nombreux outils que les associations peuvent mobiliser en cas de défaillance de leur équipe municipale :
- Des outils juridiques pour rappeler le cadre réglementaire, par exemple l’obligation pour chaque commune d’avoir une convention avec une fourrière;
- Des outils financiers pour trouver les fonds et le matériel dédié pour agir : dispositifs d'aides de la SPA, de la Fondation Brigitte Bardot ou encore de la Fondation 30 Millions d'Amis;
- Des ressources locales comme les budgets participatifs, le mécénat d’entreprises du territoire, les partenariats avec les commerçants locaux, les financements via les banques choisies par les associations, etc...
En tant qu’experte en comportement du chat et ayant une expérience de terrain en association avec et sans refuge, quels sont les points de vigilance pour réussir une campagne de stérilisation dans le respect du bien-être du chat ?
Brunilde Ract-Madoux : Pour moi, la clé est une bonne préparation en amont pour réussir à bien évaluer la taille de la population, pour connaître au mieux le nombre de chats qu'on va capturer. Il faudrait éviter les captures un peu au hasard mais cibler les chatons avec leur mère, les femelles gestantes, les chats malades et les chats âgés, en fait tous les individus vulnérables. Ensuite, disposer de matériel de capture adapté, pour réussir la capture, mais aussi pour éviter de blesser le chat. La cage de trappage doit être en bon état et sécurisée pour éviter que le chat ne s’échappe. Il est important de venir régulièrement voir si les chats ont été capturés pour pas les laisser trop longtemps dans la cage. Surtout ne rien faire dans la précipitation ! D'où la préparation en amont très importante, cela peut être très stressant pour les chats si on est trop nombreux ou s'ils sont confrontés à une gestuelle un peu brutale.
Concernant les bénévoles, il faut qu’ils connaissent le comportement du chat et avoir été formés un minimum. Toute la procédure doit être orientée de façon à minimiser au mieux le stress du chat notamment en recouvrant la cage d'un tissu, et en évitant trop de transferts entre cages et d'un endroit à un autre. Une fois en clinique, le chat doit là aussi être accueilli dans les conditions les moins stressantes possibles, dans un endroit isolé à distance des chiens, et des autres chats. Réaliser une contention coopérative douce avec un chat qui est pas familiarisé à l'humain, ce n’est pas possible en quelques jours ou quelques heures, il faut donc être rapide et avoir le geste sûr. La durée de l'enfermement doit être la plus courte possible.
Les associations sont régulièrement confrontées à prendre des décisions sur les conditions de vie à offrir à un chat trouvé errant et sans propriétaire. Quels sont les différents profils de ces chats et comment prendre la meilleure décision pour chacun ?
B. RM. : L'objectif est de réussir à identifier si le chat est ou a été familiarisé à l'humain, et donc habitué au contact de l'humain, et à quel mode de vie il est adapté. On peut distinguer trois grandes catégories de chats : le chat haret qui a un comportement d'animal sauvage, il vit plutôt à la campagne où dans les zones de faible densité, il peut se débrouiller pour trouver sa nourriture en chassant et il n’est pas du tout familiarisé à l'humain ; le chat des rues qui va vivre dans les villes, avec une densité relativement importante d'humains; et le chat de compagnie qui vit dans un foyer au contact d’humains. Ces profils s’inscrivent dans une sorte de continuum où le chat est plus ou moins proche des humains.
Mais identifier ces 2 aspects prend du temps, on ne peut pas le détecter tout de suite ! Son comportement dans la cage est un indice. Mais n'importe quel chat peut être apeuré et avoir un comportement agressif après avoir été capturé et se retrouver dans une cage sans possibilité de fuir. On ne va donc pas se baser sur ce seul critère, il va falloir lister un certain nombre d’autres critères du comportement du chat sur le terrain, notamment une fois qu'il a été pris en charge d'un point de vue médical. C'est un chat qu'on va garder quelques jours pour l’observer car on ne peut pas se faire une idée en l'espace de quelques heures, pour moi c'est impossible.
Existe-t-il une grille d'évaluation permettant d'évaluer objectivement chaque profil et dont pourraient se servir les associations ?
Concernant les critères d’évaluation, c'est justement l'objet d'un futur atelier sur lequel nous travaillons : proposer un arbre décisionnel qui repose sur des critères objectifs, tout en intégrant la notion de durée dévaluation. Certains chats se montrent « sauvages » au tout début et au bout de 6 mois ils se transforment en "chat de canapé". Mais il faut toutefois se poser la question : est-ce que 6 mois passés peut-être sous le lit n’est pas trop long en termes de stress ? Quid de sa qualité de vie pendant cette période ? C’est toute la difficulté. Si on veut rester dans la bientraitance animale, il faut rester objectif dans sa prise de décision. Un autre élément à prendre en compte dans la prise de décision ce sont les capacités d’hébergement de l’association. Est-ce que l’association a les moyens financiers et humains d’offrir les meilleures conditions pour cette évaluation.
Compte tenu de tous les dangers et risques inhérents à la vie dans la rue, est-ce qu’on peut considérer que les besoins d’un chat qu’on relâche sur site, parce ce que c’est un adulte non familarisé avec l’humain, sont respectés ?
B. RM. : Pour moi il n’y a pas de règle générale, à savoir tous les chats devraient être dans un foyer (pour des raisons de protection) ou bien au contraire tous dans la rue (pour des raisons de liberté). On retrouve les chats dans le monde entier, on parle de plasticité comportementale au niveau de l'espèce. Le chat a une capacité à s'adapter à des habitats très différents, vivre avec des humains, vivre sans humains, vivre avec d'autres espèces, d'autres chats ou non. Au niveau individuel, on peut avoir des chats qui vont connaître au cours de leur vie différents stades auxquels ils vont s'adapter. Par exemple, un chat des rues peut devenir un "chat d'intérieur" vivant en maison. Cela peut aussi varier selon les saisons. J'avais observé il y a quelques années, des chats qui vivaient en semi-liberté et qui montraient des comportements différents selon les saisons : en hiver les chats rentraient dans la maison et dormaient sur le lit, alors qu'en été ils étaient inapprochables, avec une grande distance de fuite. Il y a donc cette capacité d'adaptation en fonction de leurs besoins. Recherche de chaleur, d'abri pour l'hiver et puis en été moi je n’ai pas besoin de l'humain donc voilà je vais vivre ma vie plus loin ! Finalement, pour décider du devenir d'un chat, il faut prendre en compte son profil, son histoire de vie et ses besoins.
Pour information, Solipa proposera à partir de 2026 des ateliers félins gratuits !
