par Agnès SOUCHAL
Un point sur…La stérilisation précoce des chats en association et refuge

La stérilisation des chats effectuée précocement est sujette à controverse, autant dans les associations et refuges que parmi les vétérinaires. Le GERES (1) a dernièrement fait le point sur cette pratique, apportant matière à réflexion. A chacun de se faire une opinion, mais il y a des principes à respecter.
Qu’est-ce que la stérilisation précoce et pourquoi l’utilise-t-on ?
Il est d’usage de stériliser chats et chattes avant l’arrivée des premières chaleurs chez ces dernières, et la présence des spermatozoïdes fécondants dans le sperme des mâles, donc vers 6/7 mois d’âge. La stérilisation précoce se fait ainsi avant leurs 6 mois. Alors, pourquoi décider de stériliser les chats plus tôt ? Cette demande a deux origines :
- prévenir la gestation : elle peut être demandée par un particulier, une association, un éleveur. Si le risque de fécondation existe, cela les conduit parfois à anticiper l’âge des 6 mois (pour les éleveurs, il s’agit surtout d’une volonté d’éviter que leur chat de race puisse se reproduire hors de l’élevage…).
- gérer la surpopulation féline : s’agissant le plus souvent de chats redevenus sauvages ou semi-sauvages, elle sera une demande associative, parfois en relation avec une convention municipale.
Risques et conséquences de la stérilisation précoce
D’un point de vue médical, le chaton est considéré comme immature, donc plus sensible à tous les risques possibles lors d’une chirurgie : hypotension, hypoglycémie, hypothermie et hypoxie, ces risques accrus disparaissant dès ses 4 mois d’âge. Le chaton plus jeune a donc besoin d’une anesthésie adaptée, avec un monitoring précis, une oxygénation indispensable, un réchauffement systématique, un post-opératoire très suivi et une reprise alimentaire rapide. Concernant les chatons mâles, il est indispensable de vérifier la descente testiculaire dans les bourses avant d’opérer, sinon il faut attendre.
La stérilisation précoce est utilisée depuis 25 ans en Amérique du Nord, où elle est pratiquée très tôt, le plus souvent à 2/3 mois, et les études s’y rapportant proviennent quasiment toutes des USA. Peu d’études ont été faites en France, notamment aucune sur ses conséquences au long cours (toute la vie du chat). Les conséquences de cet acte précoce sont donc encore incomplètes, et influent sur le choix de l’âge à conseiller.
Il semble que la stérilisation précoce ne change rien quant à la prise de poids suite à la stérilisation, ne présente pas de risque accru ou au contraire d’amélioration dans l’apparition de troubles urinaires. Elle diminue drastiquement le risque de tumeurs mammaires chez la chatte mais pas plus a priori que la stérilisation à l’âge usuel.
En revanche, il a été prouvé qu’elle prolonge la croissance des os longs (et donc ne stoppe pas la croissance, au contraire), mais la corrélation entre le risque de fractures et l’augmentation de la taille de ces os n’a pas été clairement démontrée. Ceci mériterait une étude plus complète pour se positionner.
En ce qui concerne le comportement, l’influence de la stérilisation précoce sur la malpropreté et le marquage est controversée. Par contre, les chatons stérilisés précocement voient leur timidité augmenter (2) mais aucune étude n’a encore exploré l’impact sur leur bien-être.
Quel est le consensus actuel ?
Au vu des risques augmentés lors de la chirurgie, et sachant de plus que les chatons opérés avant l’âge de 8 semaines sont soumis à des troubles alimentaires après la chirurgie (pas assez de prise de lait maternel, et prise alimentaire insuffisante en aliment solide), il est recommandé d’attendre 4 mois d’âge au minimum.
Concernant les chats libres, la gestion de la population et la difficulté à trapper les animaux justifie le recours à la stérilisation précoce, également à partir de 4 mois. Le critère du changement de comportement avec aggravation de la timidité ne peut leur être préjudiciable.
Concernant les associations et refuges, il est clair que la stérilisation précoce facilite leur travail et favorise l’adoption. Mais il convient de peser le pour et le contre et de ne jamais oublier que le bien-être animal est un principe central dans la protection animale. Il reste encore quelques zones d’ombre sur les conséquences de cet acte, notamment concernant cette timidité plus importante, et il convient d’y réfléchir selon le caractère du chaton concerné. Le choix de stériliser à 4 mois ou d’attendre devrait se faire après réflexion sur chaque cas : le caractère du chaton, le risque de gestation ou pas, le nombre de chatons à placer au sein de l’association… et ne pas être systématique : par exemple, un chaton récupéré d’une maman semi-sauvage, s’il voit sa timidité augmentée par la chirurgie, pourrait avoir plus de mal à trouver sa place dans sa famille humaine.
Enfin, le problème de la diminution de la variabilité génétique ne se pose heureusement pas dans les refuges, c’est un problème rencontré uniquement en élevage.
Et sachez que si nécessaire, il est possible de poser un implant contraceptif en attente de chirurgie, s’il est préférable d’attendre pour cette dernière, et cela sans aucun effet secondaire!
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1 Groupe d'Étude en Reproduction, Élevage, Sélection, un des groupes de formation de l’AFVAC, Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie.
2 https://academie-veterinaire-defrance.org/fileadmin/user_upload/DossiersThematiques/BienEtreAnimal/CAPdouleur_LivreBlancBEAxCie_2019.pdf